On sera tenté de ne porter qu’un regard diverti sur l’univers si immédiatement familier d’Yves Eric 2Boy. Ses emprunts lointains à la trame narrative du storyboard, l’évidence de la planche d’étude, le systématisme linéaire du panneau publicitaire, tout comme une relative complaisance à jouer de l’environnement bidimensionnel orthonormé du jeu vidéo, accuseront une peinture facile. Et c’est sans doute ce que donne une première lecture. Pourtant la simplicité, la fraîcheur, cette spontanéité qui n’en est pas, nous arrête sur l’écran «bubbellisé» de sa peinture.

Son travail se présente en aplat, fait à la brosse, détaillé au petit pinceau. On reconnaît ses impressions urbaines schématisées, ses cadrages, ses découpes d’une ville mentalisée, qui sont plutôt les extractions d’un mobilier rendu tangible par sa systématisation sur la surface de la toile. Le traitement de la couleur, désaturée (la couleur n’est jamais pure), en des niveaux de gris choisis, nous ferait presque oublier la contrainte du plan du tableau tant elle sait rendre sensible la qualité d’une atmosphère. Mais c’est bien une mise en lumière de convention (loi des surfaces nuancées selon le degré et l’angle d’exposition) qui structure et impose la franchise de ses volumes. Comme happés, nous participons instantanément d’un univers homogène, silencieux, quasi aquatique. Des «blobs», investis de la charge organique d’un monde par ailleurs uniquement construit, tentent cette odyssée de caprices et de contraintes ou s’accommodent d’on ne sait quelle volonté, «drivés» par les lois d’une physique parfois facétieuse (structure fixe en lévitation).

Dans ce monde fait de réminiscences, fortement imprégné du virtuel et de ses montages, l’image naît pourtant sur une toile peinte à main levée. La plasticité tient du rendu numérique autant que de la physicalité de l’art des façades -wall painting, street art-, tout en s’inscrivant dans le travail du peintre d’atelier. L’effacement et le lissage du coup de pinceau (tendance de plus en plus affirmée dans sa production) fait contrepoint et preuve. Même le type de format que l’artiste privilégie implique cette participation en écho, faite à la fois de sollicitation forte et de retenue, entre la mise à distance esthétique et l’engagement du corps. Ainsi cette prédilection pour le logotype, monolithique et monumental, ces références aux usages de la propagande et à ses mises en pages, ne va pas sans un caractère ludique concerté capable de traverser le cynisme et l’absurde ou de domestiquer la crainte du monde industriel.

En confrontant les registres, les modalités de réception et de sens, Yves Eric 2Boy met en place un système essentiellement simple (système binaire) favorisant la sérialisation de son principe pictural : fonds aux couleurs froides, bleus, gris, parfois verts, qui oppressent, orientent, pèsent sur et supportent cette entité biomorphique rose à la plasticité passive et molle. Tout se passe comme si le « système » 2Boy démultipliait les possibilités narratives de cet accident qu’aurait été la chute d’une forme goutte, ralentie dans une matérialité indéfinie, pour être symbolique, sur une trame structurelle à la matérialité dure et neutre.

Yves Eric 2Boy joue de codes hérités. Son environnement formel, tout entier perspectif, fait corps avec une signalétique parfaitement reconnaissable. Il équilibre la menace de ces mondes toujours susceptibles de prendre le pas l’un sur l’autre :  le stable et le mouvant, le dur et le mou, le solide et le liquide. Yves Eric 2Boy impose la marque d’un univers rigoureux. La jubilation du peintre est contrôlée ; et, la densité de l’image acquise, l’énergie visuelle reste contenue. C’est peut-être cette cohérence qui nous amène au partage, qui nous fait croire à l’ouverture d’un possible.

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Exposition Yves-Eric 2Boy

Du 24 février au 31 mars 2012

Curatrice: Laetitia Chazottes

Galerie 22,48m2