Cela fait plus de dix ans que France Dubois construit un univers visuel sensible et poétique à la croisée des arts. Autodidacte, ce sont véritablement le temps et l’expérimentation qui ont aiguisé son œil et façonné ses images. Qu’elles soient fixes ou en mouvements, celles-ci portent en elles la même densité : graves et tendres, complexes et sobres, savant mélange de tensions contraires, espace d’un précipité stable le temps d’une prise de vue. Rien ne parle trop, rien ne se tait.

France Dubois, Ta vie ralentie, 2002. Vidéo à partir de photographies couleur, 7 min. © France Dubois

Ainsi, la production artistique de France Dubois est le fruit d’une évolution lente et progressive. Au fil des années la jeune photographe a su trouver sa signature sans jamais rien perdre de la cohérence de son travail. Le diaporama Ta vie ralentie présenté en 2002 marque le début de cette recherche à la fois formelle et personnelle. Environ quatre-vingt dix clichés – autoportraits et prises de vues extérieures – réalisés à bout de bras avec un petit appareil de poche, s’enchaînent sur un mode aléatoire durant sept minutes. Instants volés à sa propre vie, à son quotidien. Sorte d’errance mélancolique où les mots de Pérec [*], portés par une voix féminine légèrement rocailleuse, rythment ce flot d’images tels des battements de cœur dans un équilibre fragile. L’image redoublée par le son modifie ainsi notre perception de l’espace et du temps. Image et son ensemble, poème singulier d’un regard sur soi. Poème visuel. Condensé de vie, d’une vie. Ta vie ralentie appartient à celui qui la visionne, qui l’expérimente, qui l’accueille dans le creux de sa propre intimité et la fait sienne.

Parler de la création de  France Dubois n’est pas chose aisée. Regarder ses images, c’est franchir la frontière d’un univers singulier où la sensibilité prend le pas sur l’intellect. Atmosphère vaporeux, tons pastel, accidents acceptés, assimilés, exploités, respiration légère, présence absente de l’humain, de la vie, un souffle, … Tout dans son travail impose une certaine disponibilité, celle de l’esprit. La subjectivité est de mise. L’œuvre de France Dubois se ressent avant même de se penser. Ses images chargées d’une densité émotionnelle résonnent en chacun de nous comme les reflets des vagues à l’âme de nos vies intérieures.

[*] Cf. Un homme qui dort, Georges Pérec, Paris, Gallimard, 1998.

///

Rédigé dans le cadre du séminaire de M2 Histoire de l’art, mention photographie, Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Le 17 novembre 2008.

Catégories : article