L’exposition collective Situation(s), présentée au Musée d’Art Contemporain du Val de Marne, rassemble les travaux de dix artistes autour du rapport entre espace intime et espace public. Situation(s) regroupe un ensemble d’œuvres évolutives, performatives et collaboratives abordant les questions d’identité(s) et de représentation(s) de soi. Une exposition qui convie à une déambulation réflexive sur la place du corps dans l’espace public.

© Mélanie Manchot, Dance (All Night, Paris), 2012. Vidéo HD. 12’30.

L’ensemble des œuvres réunies au sein d’une vaste pièce cubique invite le spectateur à réfléchir aux questions d’identités et de genre dans l’espace public comme privé. Vidéos, photographies, installations composent un corpus de pièces protéiformes comme autant d’analyses, de constats et d’interprétations des rapports qu’entretient l’individu avec la société.

Dance (All Night, Paris) de Mélanie Manchot est une captation vidéo d’une performance conçue spécifiquement pour la Nuit Blanche de 2011. Des danseurs professionnels, amateurs mais aussi venant du public occupent la cour d’un lycée parisien transformée, le temps d’une soirée, en piste de danse. Côté à côte cohabitent différents styles: rock, flamenco, hip hop, valse, etc. Chacun des protagonistes, muni de casques, effectue sa propre chorégraphie. L’ensemble du dispositif apparaît alors comme un ballet silencieux. Seul le bruit des pas foulant le sol et des claquements de mains sont perceptibles. Il s’agit ici d’observer ce qui se passe lorsque l’on danse dans l’espace public. La danse n’est pas un langage articulé, à la manière du langage verbal. Cependant, elle reste un moyen d’expression de soi, d’expression intime de son corps mais aussi un moyen de représentation et de communication avec les autres. Comment la danse fait-elle communiquer les corps ? Avec Dance (All Night, Paris) l’artistes’intéresse aux relations entre le corps (social) et l’espace (public). Comment ces deux instances peuvent elles se lier ? Mélanie Manchot questionne le hiatus qui peut exister entre l’individu et le groupe, le personnage privé et le personnage public. Dance (All Night, Paris) s’envisage comme une métaphore des permanentes interactions et négociations entre ces notions.

La vidéo intitulée The Ants Struggle on the Snow (Chelsea, Washington) de Marcello Maloberti présente, quant à elle, un cortège improbable et carnavalesque se déplaçant dans l’espace public. Performance participative, l’évènement reprend les codes des processions festives et rituelles tout en explorant les effets et les conséquences d’une action menée de concert.PourMarcello Maloberti l’espaceurbain est un territoire d’expérimentation. Il fédère les individus, forme des groupes hétéroclites le temps d’une procession à travers la ville.Chaque protagoniste-artiste se voit attribué un objet simple (chaises, tables, ballon, etc), qu’il transporte. L’objet est appréhendé comme le prolongement de son propre corps. Cette manifestation, improvisée et éphémère, incarne l’anonymat et paradoxalement lui confère une identité.

Dans un tout autre registre, le travail vidéo de Johanna Billing vacille entre la documentation et le dispositif expérimental scénographié. L’installation multimédia You don’t love me yet se présente comme une collection de reprises de la chanson éponyme de Roky Erickson. Sur une table sont dispersés des dvd contenant chacun une interprétation de la chansonLe spectateur est libre de choisir les versions qu’il souhaite écouter créant ainsi sa propre playlist. Entre variation et répétition, la pièce de Johanna Billing interroge les notions d’original, de copie, de droit d’auteur mais aussi d’identité.

Enfin, l’installation Los Desnudos (extrait de la série «Notre corps est une arme») de Clarisse Hahn présente des paysans mexicains sans terre qui inventent une nouvelle forme de lutte en utilisant leur corps comme le lieu d’une résistance politique et sociale. La double projection vidéo montre, d’un côté un groupe d’hommes et de femmes en train de manifester nus dans les rues de Mexico, de l’autre une femme qui raconte les raisons de la lutte. Ces personnes sont des paysans dépossédés de leurs terres manifestant afin que le gouvernement mexicains respecte un accord signé visant à leurs restitutions. Pendant trois ans les manifestants ont occupé l’espace public mettant en place une « stratégie de la visibilité ». La nudité des individus détourne l’image du corps indigène pour en faire un corps exposé. Elle nous contraint, en tant que spectateur, à nous ouvrir sur l’expérience de l’autre tout en nous confrontant avec notre voyeurisme. Dans Los Desnudosle corps est simultanément l’instrument et le sujet de la lutte.

Ainsi, l’espace public est à la fois le lieu de la transparence, de l’échange, de la communication, mais aussi celui de l’indistinction. Il s’agit d’un espace de visibilité, de représentation, de circulation des informations et des identités. Il est donc ouvert par opposition à l’espace clos de l’intimité. Cependant, il n’existe que grâce aux corps singuliers qui le traversent et l’occupent. C’est précisément cette dichotomie entre l’individuel et le collectif , entre le corps social et l’espace public que questionnent les artistes exposés à Situation(s). « Au travers d’oeuvres évolutives, performatives et collaboratives, c’est d’identité(s) et de représentation(s) de soi dont il est question. » (Frank Lamy, chargé des expositions temporaires).

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ARTISTES:

Johanna Billing, Jakob Gautel, Clarisse Hahn, Matthieu Laurette, Marcello Maloberti, Melanie Manchot, Aleksandra Mir, Frédéric Nauczyciel, Marylène Negro, Tsuneko Taniuchi

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parisART, juillet 2012

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