Depuis 1963 John Batho développe une réflexion critique et personnelle sur la couleur, la lumière et la photographie qu’il utilise pour ses qualités plastiques. L’intérêt qu’il porte au phénomène photographique, aux différents procédés et supports du médium offre une lecture originale de la nature des sensations colorées et lumineuses. Son cheminement expérimental – minutieux et poétique – est marqué par une volonté farouche d’ouvrir de nouveaux territoires d’expérimentation, des espaces vierges.

Cependant si l’exploration – sans cesse renouvelée – du médium apparait comme centrale dans la démarche artistique du photographe, John Batho ne peut être défini comme un expérimentateur à l’œuvre désincarnée. Au-delà des recherches engagées autour de la couleur – questionnement qui hante la pensée moderne – puis par extension de la lumière, il y a dans ses images le souhait ambitieux de développer une qualité de regard. Les photographies de l’artiste ne cherchent pas dans l’œil de celui qui les rencontre une réflexion narcissique, un assouvissement du « regardez-moi ». Il s’agit au contraire pour John Batho de développer une curiosité, une rencontre, un échange. Rien n’est donné, cache-cache poétique d’une image dévoilée à force de ténacité sensible, présence impalpable de l’autre.

Le projet Présents et absents – 1998 – impulsé par le Centre d’Art Contemporain de Vilnius – capitale de la Lituanie – témoigne de cette dialectique du « caché-montré ». Equilibre fragile, cette œuvre réussit à trouver sa puissance d’évocation à la croisée des chemins entre commande institutionnelle et engagement artistique singulier. Au travail sur le paradoxe de la photographie – ce qu’elle donne à voir et ce qu’elle cache – vient s’ajouter le passé douloureux d’un pays et de son histoire. Ombre pesante du ghetto, réminiscences éparses d’êtres, silhouettes anonymes, John Batho a « imaginé ces présents et absents comme une allégorie de ce qui résiste en l’homme et survit aux vicissitudes de son histoire. »

John Batho, présents & absents, 1998. © John Batho

Le dispositif singulier mis en œuvre par le photographe tient dans la construction d’une sorte de cabine camera obscura fermée sur un côté par une paroi de verre embuée devant laquelle les visiteurs du Centre ont posé. Sorte de prisme, d’écran-miroir qui modifie l’inscription photographique, le verre apparait alors comme un filtre. L’image ainsi réalisée accueille une poétique de l’absence confondant ainsi perte d’identité et attestation d’une présence ténue. Espaces d’effacements de ces figures hiératiques, contours à la mine de plomb de ces corps dissolus, présences absentes de ces visages évanouis – accentué par le choix de grands tirages numériques noir et blancs sur des supports souples qui participent de l’estompement des formes – Présents et absents appartient à ces albums silencieux, témoins douloureux d’une mémoire qui défaille.

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Rédigé dans le cadre du séminaire de M2 Histoire de l’art, mention photographie, Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Le 5 janvier 2009.

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