Artiste invitée, Mitzi Pederson présente à la Galerie Schleicher+Lange un travail réalisé in situ à la frontière entre peinture et sculpture. Une intervention spatiale réduite qui met en avant, par un choix de matériaux restreints mais signifiants, la question de la matérialité de l’oeuvre d’art.
Pour sa première exposition en France, l’artiste américaine Mitzi Pederson, invitée par la galerie Schleicher+Lange, expose une série d’oeuvres conçues spécialement pour l’évènement. Ce travail, réalisé in situ, propose cinq pièces dont l’apparente simplicité invite le regardeur à s’interroger sur la physicalité de l’oeuvre. Rectangles de tulle, tiges de bois et encre sont ici les uniques matériaux employés par l’artiste. Composés, combinés, mis en résonance au cœur d’un dispositif plastique réduit, ici le choix strict de ces éléments participe de l’homogénéité de la pièce. L’installation, à la frontière entre la peinture et la sculpture, explore les qualités formelles et visuelles des matériaux.
Mitzi Pederson propose un dispositif minimal. Des morceaux de tulle de grands formats aux tonalités pastels – rose, bleu, noir et blanc – sont fixés dans un équilibre précaire aux cimaises à l’aide de pointes. Exploité pour ses qualités plastiques ce tissu très léger, fabriqué avec de délicats fils construisant un réseau de mailles lâches, apparaît alors comme le composant central de l’installation.
« Le tulle est un nouveau matériau pour moi. Il y a un an, j’ai découvert que je pourrais l’utiliser pour mes créations. En l’étudiant plus amplement j’ai exploré nombre de possibilités. J’ai été attirée par ce matériau principalement en raison de sa transparence, de sa légèreté et de sa durabilité pour quelque chose de si ténue. Je me suis intéressée au jeu avec la peinture, mais j’ai été aussi curieuse de voir si le matériau pouvait fonctionner dans un sens sculptural, j’étais attirée par la manière dont les plis et les courbes jouent si bien avec la lumière et la forme. » (Mitzi Pederson dans un message électronique à Christine Nippe).
L’artiste manipule le tulle, le plie, le trou, le superpose dans un jeu singulier avec la surface de la cimaise. Pouvant intuitivement être appréhendés comme des toiles, les œuvres de Mitzi Pederson glissent rapidement vers la sculpture par l’ajout de fines tiges de bois recouvertes de feuilles d’argent. L’artiste procède à une mise en volume modifiant ainsi la première perception. L’insertion ponctuelle de baguettes et de traces d’encre contrarie le mouvement de ce tissu à la finesse aérienne et pourtant enclin à la pesanteur. Décollé du mur, mis sous tension, le léger maillage joue sur la transparence et capte la lumière. Une dimension subtile se créé entre la surface du plan et le volume soufflé par la présence des morceaux de bois. A la manière des artistes de l’Arte Povera, Mitzi Pederson rétablit un contact direct et sensible entre le regardeur et les matériaux. C’est un art qui se veut nomade et insaisissable. A la limite de la physicalité, ses pièces questionnent la distance entre l’oeuvre et le mur, le mur et le spectateur.
De prime abord, le travail de Mitzi Pederson est quasi imperceptible. Entre le visible et l’invisible, l’artiste convie le spectateur à une observation attentive. Les pièces ne se révèlent pas d’emblée au regard, elles imposent un temps, une pause. Une fois l’oeil habitué à cet univers poétique diaphane, les oeuvres surgissent de la surface du mur, se donnent à voir, s’éprouvent dans un silence presque méditatif. Mitzi Pederson créé des formes sobres et minimales dont l’apparente fragilité contient paradoxalement une forte présence physique.
Héritière des pratiques du post-minimalisme – dont les oeuvres sont souvent in situ, peu spectaculaires, et assez peu « grand public » – Mitzi Pederson développe une pratique artistique singulièrecaractérisée par une sensibilité psychologiques et physique. Le choix des matériaux instables, volatiles, voir éphémères, participe d’une nouvelle esthétique, rejetant la notion de neutralité chère au mouvement minimaliste. L’artiste introduit une dimension sensuelle à ses œuvres situant le corps au fondement de toute relation à l’objet et de toute expérience de l’interrelation des objets entre eux.Une quête paradoxale de la matérialité est ici en jeu.
///
///
Consulter : site de la Galerie Scleicher+Lange