La Galerie Jousse Entreprise explore les interactions entre art et design en présentant dans son espace contemporain du Marais, la première exposition personnelle en France de l’artiste britannique Matthew Darbyshire. A cette occasion l’artiste présente une sélection de pièces conçues entre 2009 et 2012. Les œuvres exposées interrogent l’art, l’architecture ou le design. Invitant à l’observation, l’artiste propose une étude scrupuleuse des objets du quotidien qui influencent la manière dont nous investissons nos lieux de vie.
L’exposition personnelle de Matthew Darbyshire se présente sous la forme d’un examen sérieux des objets familiers qui nous entourent et façonnent aussi bien notre vie intime que sociale. L’artiste propose une sorte d’analyse médico-légale de ces choses qui, a priori, pourraient se limiter à n’être que les produits d’une vie « à la mode ». Cependant, choisis, ordonnancés, mis en perspectives, ces objets extraits du quotidien révèlent « une triste réalité imprégnée de préjugés culturels, d’ambitions insatiables, d’idéologies dévoyées, de sectarismes désuets et de croyances à la carte ». Par une organisation méticuleuse des espaces, l’artiste compose des environnements dans lesquels la distinction entre objets manufacturés et objets artistiques « faits main » est quasi imperceptible, jusqu’à la confusion. Art, architecture et design sont décortiqués au travers d’une étude quasi anthropologique.
Dans la première salle, l’installation de Matthew Darbyshire propose un univers apparemment ordinaire qui ne dévoile pas d’emblée un discours artistique. La réception des œuvres exposées n’est pas instantanément verbale : la mise en espace sollicite dans un premier temps une approche immédiate et sensible. Paradoxalement, l’environnement créé renvoie à un vocabulaire plastique connu, à des formes définies, des objets ordinaires, domestiqués et parfaitement reconnaissables. La pièce se présente alors comme une sorte d’état des choses.
Le parti pris d’une scénographie sobre et épurée, fait écho à celle que l’on trouve dans les magasins d’ameublement. D’un côté des tabourets design et ethniques mis en vitrine, de l’autre la reconstitution d’un environnement étrangement standardisé : tapis, lanterne, table basse, figurine de Jésus, bang en verre, baskets Nike, etc. Au fond de la pièce on retrouve une série d’affiches dont les thèmes évoqués (sida, photographies de chiens et slogans humouristiques voir cyniques) détonnent avec cet univers d’apparence hygiéniste. Strictement noir et blanc, le mobilier mis en scène confond les registres et les genres. L’artiste impose une nouvelle perception de notre environnement familier. Dépassant l’évidence, ce n’est qu’après un examen scrupuleux de la pièce que l’oeil relève les discordances.
Dans une vitrine isolée est exposée une collection insolite d’objets au préalable plongés dans un bain d’or. On retrouve disposé, toujours avec méthode – ordonnancement ternaire : trois étagères, trois groupes d’objets – une urne, un plat, un téléphone, des statuettes représentant des animaux, des figures religieuses ou encore une figurine de Mickey. En prenant appui sur des pratiques ancestrales, l’artiste exploite la valeur symbolique de l’or tout en réactualisant le rite de transformation d’un objet en corps divin – pratique courante dans l’Egypte ancienne. Ainsi, l’emploi de ce métal précieux confère aux objets une charge symbolique particulière. Sorte de sépulture moderne, l’installation de Matthew Darbyshire joue sur le caractère à la fois sacré et inaltérable dont la patine dorée recouvre les pièces. Ce dispositif plastique invite à porter un autre regard sur les objets manufacturés.
Enfin, Untitled : accessorised column se présente sous la forme de quatre vitrines totémiques dans lesquelles sont agencés des pièces, reproduction en résine d’objets usuels. Telle des partitions colorées, les colonnes dialoguent entre elles, dans un jeu de répétition. D’une vitrine à l’autre, on remarque la présence répétée de certains objets, déclinés selon une gamme de couleurs choisies – bleu, jaune, rouge, violet, vert. L’agencement aléatoire incite à une observation consciencieuse. En jouant sur la frontière entre le quotidien et l’art, l’artiste recréé à l’identique des objets auxquels il confère, par l’élaboration d’un protocole de mise en œuvre plastique, le statut d’oeuvre. Sa pratique sculpturale renvoie ici aux procédés utilisés par un bon nombre de plasticiens contemporain. Sorte de trophées modernes, les objets présentés se confrontent sur un même niveau de lecture. De la figure de Bouddha au verre coca-cola, l’artiste confond valeur spirituelle et valeur consumériste. L’ordonnancement et l’emploi de la résine participe de la neutralisation de ces icônes contemporaines en homogénéisant leur modalité de réception et de sens.
En décryptant ce que les objets quotidiens traduisent de notre psychologie et de nos attentes collectives, le plasticien Matthew Darbyshire brouille les pistes. Artiste du dévoilement, il impose une mise à distance en décontextualisant les objets. Par sa pratique singulière de la sculpture, il applique une logique et une analyse artistique aux moindres faits et objets usuels. Plus qu’une critique, le travail de Matthew Darbyshire propose un état des choses, un appel à l’observation.
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